
Epitomax đ đ
@Topiramatee
Si je vous dis morphine, fentanyl, oxycodone, codĂ©ine, tramadol⊠ça vous parle ? SĂ»rement. Mais comment agissent ces mĂ©dicaments pour soulager les douleurs sĂ©vĂšres ? Câest parti pour un thread sur les opiacĂ©s/opioĂŻdes et leur pharmacologie ! Ăa va ĂȘtre STUPĂFIANT ! đđ§”đđ»:
Les opiacĂ©s sont des dĂ©rivĂ©s de lâopium, substance contenue dans le pavot somnifĂšre (Papaver somniferum). Le nom de cette plante est liĂ© aux propriĂ©tĂ©s sĂ©datives de lâopium. Lâopium contient des substances appelĂ©es alcaloĂŻdes : la morphine et la codĂ©ine (ainsi que lâhĂ©roĂŻne)
Petit point terminologie : on emploiera plutĂŽt le terme « opiacé » pour les opiacĂ©s naturels issus du pavot : morphine et codĂ©ine, et le terme « opioĂŻdes » pour les substances de synthĂšse : fentanyl, oxycodone etc⊠les 2 termes dĂ©signent la mĂȘme classe pharmacologique.
On distingue : - les opioĂŻdes « faibles » : codĂ©ine, tramadol et poudre dâopium (antalgiques de pallier 2, douleurs modĂ©rĂ©es Ă sĂ©vĂšres) - les opioĂŻdes « forts » : morphine, fentanyl, oxycodone, hydromorphone (antalgiques de pallier 3, douleurs sĂ©vĂšres Ă trĂšs sĂ©vĂšres)
La morphine est lâopioĂŻde de rĂ©fĂ©rence : on compare la puissance des autres antalgiques opioĂŻdes Ă la morphine. Cela permet dâĂ©tablir des tableaux dâĂ©quianalgĂ©sie. Par exemple 25 mg de poudre dâopium Ă©quivalent Ă 2,5 mg de morphine.
Passons Ă la pharmacologie. Dans lâorganisme, il existe des opioĂŻdes endogĂšnes (synthĂ©tisĂ©s par lâorganisme) : les endorphines, les enkĂ©phalines et les dynorphines, qui interviennent dans le systĂšme opioĂŻde endogĂšne, responsable, entre autres, de la perception de la douleur.
Les mĂ©dicaments opioĂŻdes vont venir mimer les opioĂŻdes endogĂšnes, le but recherchĂ© Ă©tant une action antalgique (anti-douleur), ce sont des AGONISTES aux rĂ©cepteurs opioĂŻdes (provoquent le mĂȘme effet que le ligand endogĂšne)
Disclaimer â ïž: je vais ĂȘtre obligĂ©e dâaborder un minimum la physiologie de la douleur pour expliquer la pharmacologie des opiacĂ©s. La physiologie de la douleur est TRĂS COMPLEXE ! Je vais donc simplifier Ă lâextrĂȘme et je mâen excuse.
Il existe 2 grands types de douleurs : - les douleurs par excÚs de nociception, qui sont les + fréquentes et surviennent lorsque des tissus sont lésés : brûlure, fracture, chirurgie, infection⊠- les douleurs neuropathiques : causées par un dysfonctionnement du systÚme nerveux
Les opioĂŻdes sont efficaces sur les douleurs par excĂšs de nociception. Ces douleurs correspondent Ă une stimulation excessive des rĂ©cepteurs de la douleur (nocicepteurs). Les nocicepteurs sont situĂ©s Ă de nombreux endroits : peau, organes, muscles, os etcâŠ
Lors dâun stimulus douloureux, lâinformation passe par les nocicepteurs puis remonte au niveau de la moelle Ă©piniĂšre, puis au thalamus et enfin au cortex sensoriel primaire (dans le cerveau) : câest lui qui va faire quâon ressent la sensation de douleur.
Comme vu plus haut, les opioĂŻdes agissent sur les rĂ©cepteurs aux opioĂŻdes. Il existe 3 types de rĂ©cepteurs aux opioĂŻdes, prĂ©sents essentiellement au niveau du cerveau (supraspinaux) et de la moelle Ă©piniĂšre (spinaux) : les rĂ©cepteurs ÎŒ (sous types ÎŒ1 et ÎŒ2), Îș et ÎŽ.
Les propriĂ©tĂ©s antalgiques des opioĂŻdes reposent essentiellement sur les rĂ©cepteurs ÎŒ et Îș . Lorsquâils se fixent Ă ces rĂ©cepteurs, ils activent des processus intracellulaires entraĂźnant lâouverture des canaux potassiques et la fermeture des canaux calciques.
Cela hyperpolarise la membrane cellulaire des neurones nociceptifs. Cette hyperpolarisation va diminuer la probabilitĂ© que les neurones atteignent leur seuil dâactivation, rĂ©duisant ainsi leur capacitĂ© Ă transmettre le message douloureux. On obtient ainsi un effet antalgique.
Lâantalgie est lâeffet thĂ©rapeutique recherchĂ© lorsquâon utilise des mĂ©dicaments opioĂŻdes. Cependant, la liaison aux rĂ©cepteurs opioĂŻdes, prĂ©sents dans diverses zones du cerveau et de lâorganisme va aussi ĂȘtre responsable dâeffets non souhaitĂ©s = effets indĂ©sirables.
En se fixant aux centres respiratoires, les opioĂŻdes induisent une dĂ©pression respiratoire (pouvant aller jusquâĂ lâarrĂȘt respiratoire) par diminution de la sensibilitĂ© Ă certains paramĂštres impliquĂ©s dans la rĂ©gulation de la frĂ©quence respiratoire tels que lâhypercapnie.
Ils provoquent Ă©galement : de la constipation par diminution du pĂ©ristaltisme intestinal, de la sĂ©dation, des nausĂ©es / vomissements par stimulation du centre du vomissements, de lâeuphorie etc
Certains effets secondaires peuvent trouver une application thĂ©rapeutique : la codĂ©ine est employĂ©e comme mĂ©dicament anti-tussif (dĂ©pression du centre de la toux). Le lopĂ©ramide, un analogue aux opioĂŻdes (dĂ©pourvu dâaction centrale) est utilisĂ© comme anti-diarrhĂ©ique.
Les opioĂŻdes peuvent ĂȘtre Ă lâorigine dâune dĂ©pendance physique et psychique et poser des problĂšmes dâaddictions avec des risques de surdosage voire dâoverdose. Câest ce quâon observe avec la crise des opiacĂ©s aux US.
Il est Ă noter que le tramadol est particuliĂšrement concernĂ© par les problĂ©matiques dâaddiction. En effet il agit Ă la fois sur les rĂ©cepteurs aux opioĂŻdes mais Ă©galement sur le systĂšme sĂ©rotoninergique, induisant un cĂŽtĂ© stimulant.
Pour ces raisons, les opioĂŻdes sont des mĂ©dicaments Ă manier avec une extrĂȘme prudence ! Lâauto-mĂ©dication est Ă proscrire et leur usage prolongĂ© est Ă réévaluer rĂ©guliĂšrement avec votre mĂ©decin.
En cas de surdosage aux opioĂŻdes, on utilise un ANTAGONISTE aux rĂ©cepteurs opioĂŻdes : la Naloxone. Cette molĂ©cule, en sâopposant aux effets des opioĂŻdes va notamment reverser la dĂ©pression respiratoire et la sĂ©dation.
2 formes de Naloxone sont disponibles en ville afin dâĂȘtre utilisĂ©es en cas de surdosage et peuvent ĂȘtre administrĂ©s par lâentourage en attendant les secours : - Prenoxad , sous forme injectable - Nyxoid, sous forme de pulvĂ©risation nasale
La naloxone est disponible sans prescription en pharmacie (mais payante) et gratuitement Ă lâhĂŽpital et dans les centres dâaddictologie. En France, 80% des dĂ©cĂšs par surdose sont liĂ©s Ă des opioĂŻdes. Lâadministration prĂ©coce de naloxone pourrait Ă©viter 4 dĂ©cĂšs sur 5.
VoilĂ , câest tout pour aujourdâhui. Ce thread est loin dâĂȘtre exhaustif, on aurait pu parler des agonistes-antagonistes et des traitements de substitution aux opiacĂ©s, par exemple. Mais on va sâarrĂȘter lĂ đ Bisous les amis đ